Un avocat doit-il obligatoirement transmettre ses conclusions à son client ?

Un avocat doit-il obligatoirement transmettre ses conclusions à son client ?

La question de la transmission des conclusions d’un avocat à son client soulève des enjeux importants concernant la relation avocat-client, le droit à l’information et les obligations professionnelles des avocats. Cet article explore les aspects juridiques et déontologiques de cette question.

L’obligation d’information de l’avocat envers son client

L’avocat, en tant que mandataire de son client, a une obligation générale d’information. Cette obligation découle du contrat de mandat qui lie l’avocat à son client et des règles déontologiques de la profession.

Dans le cadre d’une procédure judiciaire, les conclusions représentent l’analyse et la synthèse des arguments juridiques que l’avocat présente au tribunal pour défendre les intérêts de son client. Ces documents sont essentiels car ils contiennent :

  • Un résumé des faits
  • Les bases juridiques de la demande ou de la défense
  • Les demandes formées au tribunal

Cadre juridique de la transmission des conclusions

En principe, un avocat a l’obligation de transmettre ses conclusions à son client. Cette transmission permet au client de prendre connaissance des arguments juridiques avancés ainsi que des stratégies mises en place pour sa défense.

Cependant, la jurisprudence a apporté certaines nuances à cette obligation. Dans un arrêt du 19 novembre 2009 (Cass. civ. 1, n° 08-21.114), la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « la non-transmission des conclusions au client avant le dépôt devant la juridiction saisie et le non-respect des instructions du client n’engagent pas la responsabilité civile de l’avocat » dans certaines circonstances.

Les raisons justifiant la transmission des conclusions

Plusieurs raisons fondamentales justifient la transmission des conclusions par l’avocat à son client :

1. Le respect du droit à l’information du client

Le client est la personne directement concernée par la procédure. Les conclusions et les pièces du dossier lui appartiennent de droit. Comme le souligne Maître Brigitte Bogucki : « L’avocat n’est que le mandataire de son client, il n’a aucun droit de lui cacher quoi que ce soit de sa procédure. »

2. La nécessité d’une collaboration efficace

La rédaction de conclusions efficaces nécessite souvent une collaboration entre l’avocat et son client. Qui mieux que le client connaît sa situation personnelle et peut fournir des éléments factuels précis pour répondre aux arguments de la partie adverse ?

3. La transparence dans la relation avocat-client

La transparence est un élément fondamental de la relation de confiance entre l’avocat et son client. Le fait de communiquer régulièrement sur l’avancement de la procédure, y compris en transmettant les conclusions, renforce cette confiance.

Les exceptions possibles à l’obligation de transmission

Bien que la transmission des conclusions soit la règle, certaines situations peuvent justifier une approche nuancée :

1. L’information par d’autres moyens

Dans l’arrêt précité du 19 novembre 2009, la Cour de cassation a considéré que l’important échange intervenu entre l’avocate et son client traduisait « l’information précise donnée par la première au second sur la position qu’elle avait adoptée en considération des observations et informations reçues de lui ». Ainsi, une information détaillée par d’autres moyens (discussions, explications orales) peut parfois se substituer à la transmission formelle du document.

2. Les considérations pratiques

Dans certains cas d’urgence procédurale, l’avocat peut être amené à déposer des conclusions sans avoir eu le temps matériel de les transmettre préalablement à son client. Toutefois, une transmission a posteriori reste nécessaire.

La question de l’impact psychologique

Un aspect souvent négligé concerne l’impact psychologique que peut avoir la lecture de certains documents juridiques sur le client, notamment dans des affaires sensibles comme les divorces ou les litiges familiaux.

Comme le souligne une commentatrice citée par Maître Bogucki, la réception de conclusions adverses peut parfois plonger le client « dans un état de déprime dont il lui a été difficile de sortir ». Cependant, cette considération ne saurait justifier une rétention d’information :

« La question de la protection psychologique du client par son Avocat est difficile car si l’Avocat est un soutien juridique et parfois humain ça n’est toutefois ni son rôle ni ses compétences et il a au contraire un besoin impératif du regard de son client sur les écritures adverses. »

Conclusion

En conclusion, un avocat doit en principe transmettre ses conclusions à son client, cette obligation découlant de son devoir d’information et de la nature même de la relation avocat-client. Si la jurisprudence a pu apporter certaines nuances à cette obligation, notamment en ce qui concerne la responsabilité civile de l’avocat, la bonne pratique reste la transparence et la communication régulière.

L’avocat n’est pas seulement un technicien du droit mais aussi un conseiller qui doit accompagner son client tout au long de la procédure, ce qui implique de le tenir informé des développements importants de son dossier, y compris par la transmission des conclusions rédigées en son nom.

Foire aux questions

Dans quel délai un avocat doit-il transmettre ses conclusions à son client ?

Bien qu’aucun délai précis ne soit fixé par la loi, l’avocat devrait idéalement transmettre ses conclusions à son client avant leur dépôt au tribunal, ou dans les meilleurs délais si cela n’a pas été possible.

Un client peut-il exiger des modifications des conclusions rédigées par son avocat ?

Oui, le client peut demander des modifications, mais l’avocat conserve une indépendance technique dans la formulation des arguments juridiques. Un dialogue constructif est généralement la meilleure approche.

Que faire si mon avocat refuse de me transmettre ses conclusions ?

Si votre avocat refuse de vous communiquer ses conclusions sans raison valable, vous pouvez lui rappeler son obligation d’information. En cas de persistance du refus, vous pouvez saisir le bâtonnier de l’Ordre des avocats dont il dépend.

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Rédigé par

août 9, 2025

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